lundi 28 mai 2007

Adolescence


Retour en banlieue ce dimanche, la banlieue de mon adolescence. Pour y voir des adolescents jouer une adaptation des "Vivants et des morts", le roman de Gérard Mordillat. Il pleut, j'ai pris le RER (je ne conduis pas), je me retrouve dans cette ambiance pavillonnaire qui m'a toujours fasciné et effrayé à la fois par son conformisme et sa beauté froide. Nous sommes dans un gymnase un peu triste (20 ans plus tôt, j'y faisais du sport sans entrain, effrayé par mon attirance naissante pour les garçons), et pendant près de 3 heures, une bande d'ados formidables vont jouer un drame, celui d'ouvriers sur le point d'être licenciés. Usine occupée, vies brisées, individualisme et esprit collectif, désir et révolution : l'œuvre de Mordillat est une fresque sociale ambitieuse, engagée, violente, passionnée. Ces jeunes de 18 ans, qui font partie de la troupe de théâtre amateur des lycées voisins, vont s'y donner à fond. Que connaissent-ils des luttes sociales de leurs ainés ? Sûrement pas grand-chose. Et pourtant ils campent avec une intensité incroyable ces destins broyés par l'horreur économique, le capitalisme sans visage. Cette jeunesse qui nous lance à la figure : "résistez !", ça fait un bien fou. Surtout en ce moment. Parmi ces jeunes, il y a mon neveu. Il a 18 ans. Je ne l'ai pas vu grandir et voilà qu'il est là, devant moi, en pleine lumière, il tient le rôle principal. Il me sidère par sa maturité, son talent. Il adore la scène, ça se voit, ça le rend encore plus beau. Plusieurs fois, des larmes me sont montées aux yeux. Il balance son texte avec rage et intelligence. Comme je suis fier. Moi aussi je suis passé par les planches du théâtre amateur. Mais il est plus doué que moi. Il a quelque chose en plus. Le feu, l'urgence, la passion. L'année prochaine, il sera en fac de cinéma. Comme moi avant lui. Y a-t-il pensé ? Je ne sais pas, nous n'en avons jamais vraiment parlé. Le temps passe, et la pudeur s'installe. Mais comme je suis fier. C'est un peu comme mon fils. Je comprends alors encore un peu mieux pourquoi Gus Van Sant aime tant filmer l'adolescence : c'est une promesse sans cesse renouvelée. C'est l'âge où les corps et les esprits prennent peu à peu conscience de leurs possiblités, de leur créativité. Je reprends mon RER ému, mais regonflé à bloc. J'ai bu à la source.

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