vendredi 4 avril 2008

Tutoyer Sarkozy ? Et alors ?

Le Monde publie dans son édition du 4 avril 2008 les bonnes feuilles du "Président et moi", de Philippe Ridet (Albin Michel). Et c'est avec un certain malaise que l'on parcourt ces lignes. Ridet, journaliste au Monde, a suivi le candidat Sarkozy dans sa course à l'investiture suprême, il continue aujourd'hui avec le Président du même nom. Dans le passage publié par le quotidien, il est beaucoup question du fait que le journaliste et l'homme politique se tutoient. La manière dont Ridet raconte la chose nous laisse pantois. Extraits : "Je sens bien qu'il faut que je m'explique et que je ne pourrai pas longtemps différer le sujet. Oui, je tutoie le président de la République (je ne suis pas le seul) et, oui, je suis journaliste. S'expliquer : le mot est mal choisi. Se justifier ? Pire encore. Il n'y a rien à justifier, c'est ainsi, un point c'est tout. Il y a juste à dire les choses, sans hystérie ni contrition […]. Je n'avais pas été brutalisé ni mis en demeure d'accepter ce tutoiement sous peine d'être écarté. Il était venu dans la conversation, je ne l'avais pas refusé. Cela me paraissait, comment dire... impoli. Oui, c'est cela, mal élevé. Je n'ai ni la force d'âme ni une assez haute opinion de mon métier pour m'émouvoir que l'on me tutoie." Waouh ! Voilà un homme qui ne s'embarrasse pas d'une quelconque réflexion sur la nature de son métier. Ses limites, sa déontologie. C'est assez dégoûtant de voir à quel point l'obscénité sarkozienne a gagné des pans entiers de la société française, d'autant plus dangereuse quand elle touche ceux qui sont censés délivrer une information impartiale. On me rétorquera que je suis un grand naïf, je répondrai : halte au cynisme. Je connais la fascination pour le pouvoir. Il se trouve que mon père, ancien journaliste-caméraman à France 2, a "couvert" pendant de nombreuses années les voyages officiels de Mitterrand et de Chirac. Difficile de garder la bonne distance quand vous avez en face de vous de pareils "monstres". Mon père me raconte souvent avec quelle professionnalisme Mitterrand repérait en un rien de temps sa caméra dans la foule pour lui offrir THE image qui allait faire l'ouverture du 20 heures. Mais jamais eux comme lui n'auraient imaginé une seule seconde une telle familiarité, une telle connivence. Chacun son boulot. Résister le plus possible à tout ce manège ne fait-il pas partie du travail de journaliste ? Un peu plus loin, Ridet raconte qu'avant de raccrocher avec Sarkozy, ce dernier lâche un "Je t'embrasse". La messe est dite. La seule question qui importe est : où se situe le journaliste dans ce capharnaüm dégoulinant de sentimentalisme ? Nulle réponse dans le passage publié (je n'ai pas lu la totalité du livre de Ridet). Circulez, y'a rien à expliquer !

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